Enquête sur "ces chrétiens qu'on assassine"

René Guitton recevra en octobre le prix 2009 des droits de l'homme pour son travail sur les communautés chrétiennes, persécutées ou contraintes à l'exil, victimes de la poussée fondamentaliste.

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René Guitton :

Editeur et écrivain, membre du réseau d'experts de l'Alliance des civilisations des Nations Unies. Auteur de  " Ces chrétiens qu'on assassine " (Flammarion) et " Si nous nous taisons ". Le martyre des moines du Tibhirine (Calman Lévy puis Pocket).

 - Pourquoi aujourd'hui, des chrétiens sont-ils massacrés ou persécutés ?
Il y a une accélération du phénomène depuis le 11 septembre. Parce qu'il y a globalement, un amalgame fait entre chrétiens et Occident. Parce qu'il y a eu, aussi, la guerre en Irak. Et aujourd'hui, en Afghanistan. Les chrétiens sont considérés comme des traitres et assimilés aux chrétiens occidentaux, donc aux occidentaux, donc aux agresseurs.

- C'est surtout vrai en pays d'Islam…
Oui, la plupart du temps. Mais c'est le fait de mouvements extrémistes et fondamentalistes. Notez qu'il y a aussi des hindouistes qui massacrent et même des bouddhistes. Au Sri Lanka, il y a des bouddhistes qui n'offrent aucune rédemption aux chrétiens voire aux musulmans.

- Le prosélytisme de certains mouvements évangéliques ne met-il pas de l'huile sur le feu ?
Il y a, certes, un prosélytisme évangélique. Mais ça devient un alibi, car il n'y a pas de complot évangélique pour envahir le monde non-chrétien et le convertir. Surtout pas. Les persécutions antichrétiennes ne visent pas les évangéliques en particulier, mais les chrétiens en général parce qu'il y a un amalgame terrible qui est fait entre catholiques, évangéliques, coptes, orthodoxes.

- Où par exemple ?
C'est notamment vrai au Moyen-Orient. Il faut le dire : la terre sainte n'est pas un paradis pour les chrétiens. Des individus, musulmans ou juifs, mènent parfois des actions extrémistes à l'encontre des Arabes chrétiens.

- Dans quel pays les chrétiens sont-ils le plus menacés ?
Au Pakistan, en Inde, en Irak, pour des raisons très différentes. Mais il y a aussi des pays qu'on oublie, comme l'Egypte. Un million et demi de Coptes ont quittés l'Egypte au cours de ces dernières années. Une importante communauté copte vit aujourd'hui aux États-Unis.

- Faut-il aider les chrétiens à fuir leur pays ?
Ce serait faire le jeu des extrémistes. Mgr Sako, l'évêque de Kirkouk m'a dit : "Ne nous aidez pas à partir. Aidez-nous à rester. " Les persécutions de chrétiens en Irak sont destinées à les faire fuir pour accaparer leurs biens.

- Pourquoi les massacres de chrétiens ne mobilisent-ils pas les foules ?
Il y a d'abord, une certaine laïcardisation des esprits. Mais il y a, en France, un certain silence sur le sujet à cause de la culpabilité qui existe vis-à-vis de la Shoah et du colonialisme. Résultat : quand il y a une agression ou une provocation visant les juifs ou les musulmans, on en parle. Quand ce sont les chrétiens, rarement. Personnellement, dès qu'il y a une persécution anti-juive ou antimusulmane, je me sens concerné. Donc, je peux me permettre d'écrire cette fois sur les chrétiens. C'est une démarche humaniste pour le respect des droits humains. Je ne m'inscris pas comme un catho qui prêche pour sa paroisse.

- Où est la solution ?
Il faut intervenir au niveau des droits humains, mais il y a des situations vraiment différentes selon les pays. On peut, par exemple, intervenir pour que la mention religieuse soit supprimée des cartes d'identité.

- Boycotter certains pays ?
Une pression économique peut être exercée contre des pays comme l'Algérie ou l'Egypte qui donnent aujourd'hui du grain à moudre aux fondamentalistes.

- Vous dénoncez aussi le déni d'arabité que l'on rencontre parfois…
Je pense à Charm-el Cheik en Égypte, où tout est absolument écrit en anglais. Après, on s'étonne que des Égyptiens ne s'y retrouvent pas et puissent mener des actions à la fois contre l'Occident et contre leurs propres dirigeants.

- Le pape vient d'annoncer un synode sur l'Eglise d'Orient en 2010. Qu'en attendez-vous ?
D'abord, qu'il soit oeucuménique. Il est temps de rapprocher les différentes confessions chrétiennes. La mosaïque actuelle les affaiblit. Mais c'est très complexe. Ce synode, je l'espère, montrera aussi qu'on s'intéresse aux chrétiens d'Orient, à leur sort de persécutés.